Enfants-aidants, jeunes aidants, jeunes proches, des déclinaisons de terminologie aux enjeux différents sur le terrain. Concrètement, nous parlons d’enfants de moins de 18 ans qui apportent des soins, de l’aide et du soutien au quotidien à un membre de sa famille proche qui rencontre des difficultés de santé conséquentes et/ou d’handicap chronique en l’absence de soutien professionnel. En Suisse (2018), c’est la Haute école Caréum de santé de Zurich qui a réalisé un premier recensement de ces jeunes aidants en Suisse et qui s’est chiffré à 8% pour des jeunes de 10 à 15 ans 3.2 Définition | Rapport national sur la santé 2020. Néanmoins, on est proche d’un parent dès le début de sa vie. L’aide n’est pas toujours visible comme le soutien émotionnel ou l’aide par effacement. Ces aides sont plus fréquentes lors de la maladie psychique d’un proche. “(…) le plus souvent, ils (les enfants) ne rencontrent pas un professionnel de la santé mentale au cours de leur enfance” (Van Leuven, 2017, p. 18). Ce soutien est invisible et n’est encore que très peu reconnu dans l’accompagnement des proches vivant avec une personne en difficulté psychique. Les enjeux sont nombreux pour ces jeunes, l’isolement social, l’échec scolaire, la fragilisation dans le démarrage du parcours professionnel, la construction de leur identité sociale, l’anxiété et la mise à mal du lien avec leur proche. Une communauté de pratique qui réunit la Belgique, la France et la Suisse, dont l’association fait partie, a créé un site dédié aux professionnel-le-s et aux familles qui côtoient des jeunes proches (terme qui force à réduire l’injonction à l’aidance pour le jeune). Leurs besoins sont entres-autres relevés comme le besoin d’information, de considération, de sécurité et de répît Les besoins | Réseau étincelles.
Faire connaître les jeunes aidants
Proposer des services adaptés de soutien
Diffuser ressources et informations utiles
Des jeunes de 10 à 15 ans en Suisse étaient aidants familiaux selon Caréum Santé (2018).
Ils apportent une aide régulière à un proche malade ou handicapé, souvent sans soutien professionnel.
Une communauté de pratique regroupe la Belgique, la France et la Suisse pour soutenir les jeunes proches.
“On ne nous disait pas mais c’était déjà bizarre. Je n’ai pas le souvenir que quelqu’un m’a dit “Ecoute ta maman elle est malade, c’est une maladie grave qui influe sur toute la famille et ce n’est pas de ta faute”
Fabienne
“Partager mon histoire avec des gens qui ont vécu la même chose m’a beaucoup aidé.” Instagram (témoignage de Florian, RTS et chaine du bonheur)
Je n’ai jamais mentionné que j’étais mal à l’aise et exprimé mes souffrances parce que je pensais que cela allait créer beaucoup plus de dommages. Et finalement, j’ai fait une enfance où l’on m’a complètement ignorée.
Je pense parfois que ma mère est une personne faible qui ne peut pas s’en sortir sans moi, que je dois me sacrifier pour elle et que je dois être présent à tout moment pour elle. Je dois m’inquiéter et arrêter de vivre, car ma mère ne vit pas. Cependant, je sais qu’au fond de moi tout cela est faux. Mais, je ne peux pas faire autrement. Mon énergie est focalisée et me guide dans cette voie du sacrifice et de la souffrance perpétuelle. Je ne vis plus pour moi, mais pour ma mère.
À la maison, je commence à remarquer des choses bizarres chez ma mère. Quand je me lève le matin pour aller à l’école et que je dois me préparer, elle n’est pas encore réveillée où elle n’est tout simplement pas à la maison. Je m’inquiète encore et encore pour mes parents. Quand ma mère est à la maison lorsque je me réveille elle ne s’occupe pas de moi, elle ne se prépare pas pour aller au travail. C’est de plus en plus fou l’atmosphère dans cette maison et je n’ose pas poser de questions. Je vois ma mère parler toute seule dans le salon en écrivant sur des petits bouts de papier et puis les fixer au mur. Je ne comprends pas, mais cela m’effraie beaucoup. Je lui demande ce qu’elle fait sans vraiment être intéressée par ses affaires mais plus pour essayer de capter son attention. Je sens que je suis de trop dans cette pièce et que je dois trouver une solution pour me sentir plus en confiance. Est-ce que ce sont les coups portés par mon père qui font que ma mère est une personne qui perd la tête ? Ce genre de raisonnement et de questions sont bien présents dans mon esprit et cela de plus en plus fortement. À l’âge de 10 ans, je ne reconnais pas ma mère. Qui est cette personne qui ne me regarde pas dans les yeux quand je lui parle? Pourquoi elle parle toute seule dans le salon toute la nuit de manière agressive ? Personne n’est là pour moi !
Ma mère est à l’hôpital psychiatrique. J’ignore si je dois me sentir soulagé ou encore plus préoccupé. Depuis plusieurs semaines, son état se dégradait. Au téléphone lorsqu’elle me répondait et qu’elle n’avait pas débranché son téléphone je la sentais agacée comme si ça n’était jamais le bon moment pour l’appeler. Et puis elle ne me reconnaissait parfois pas, me l’obligeant à lui répéter “mais oui maman c’est moi “ d’une toute petite voix qui n’en croit pas ses oreilles. Est-ce bien vrai ? Je suis en train d’essayer de convaincre ma mère qu’il s’agit bien de moi, son fils, au téléphone. Un état de panique me saisit en sentant qu’elle ne me croit pas. Elle commence à me vouvoyer et ça confirme le pressentiment que j’avais depuis des jours, des semaines ou même des mois : je ne sais pas qui est cette maman !
Ce jour-là, j’avance en direction de l’hôpital psychiatrique où je vais rend revisite à ma maman, ou plutôt où je vais là où je me sens devoir aller. C’est mon rôle ! C’est ma tâche ! C’est mon devoir d’aller dans cet hôpital psychiatrique rendre visite à ma mère ! Il est impensable pour moi de me dire, alors que ma mère est dans cette prison médicalisée, que je peux aller jouer au basket, que je peux avoir des amis, que je peux rigoler et que je peux sourire, où je peux être tout simplement un enfant de 13 ans qui s’occupe de ces petits problèmes d’enfants de 13 ans. Impossible ! Je trahirai ma mère et je deviendrai le même que tout le monde autour d’elle. Je serai contre elle et l’abandonnerai à son triste sort. Je dois être là pour elle, et donc… Je ne peux pas être là pour moi !